Vérification fiscale à l'ère de Corona. Personne n'est tenu à l'impossible.
18 mars 2020
Vérification fiscale à l'ère de Corona. Personne n'est tenu à l'impossible.
Force majeure en tant que motif d'admissibilité des recours tardifs.
Corona.
Corona.
Lors de son apparition télévisée le 20 mars 2020, le président Kais Saïed a décrété un confinement total dans tout le pays à partir du dimanche 22 mars pour atténuer les risques de propagation du coronavirus.
D'après son annonce, cette décision signifie que tous les Tunisiens doivent rester chez eux jusqu'à nouvel ordre, sauf en cas d'urgence extrême. Il a également déclaré que les services publics les plus nécessaires resteront fonctionnels et que seuls les déplacements d'extrême urgence seront autorisés.
Faut-il rappeler, par ailleurs, que la Tunisie est, de toute façon, officiellement sous le régime de prorogation de l'état d'urgence suite à l'adoption du Décret Présidentiel n° 2020-3 du 30 janvier 2020, aux termes duquel «l'état d'urgence est prorogé sur l'ensemble du territoire de la République tunisienne pour 3 mois, du 31 janvier 2020 au 29 avril 2020» ?
Le gouvernement n'a annoncé aucune mesure sociale ou économique tangible pour rassurer les contribuables sur l'admissibilité de leurs éventuels recours administratifs tardifs contre les résultats des vérifications fiscales notifiées ces dernières semaines.
Il convient de noter qu'en vertu des dispositions de l'article 44 du Code général des impôts, le contribuable doit répondre par écrit aux résultats de la vérification fiscale, dans un délai de 45 jours à compter de la date de notification. À une étape ultérieure de la procédure contradictoire, le contribuable sera également tenu, dans un délai de 15 jours à compter de la date de notification de la réponse de l'administration fiscale, de formuler par écrit ses observations, objections et réserves concernant cette réponse.
Le libellé du texte ne permet aucune exception de «force majeure» qui pourrait admettre un recours tardif. Ainsi, et en l'absence de réponse explicite de l'exécutif, il est impératif de se préparer à des situations de conflit entre le contribuable et le Trésor pour dépasser les délais de contestation par voie de réclamation ou de recours judiciaire à l'encontre d'une décision prise à son encontre.
COVID-19 : Un cas de force majeure ?
Que dit la loi ? Selon l'article 283 du Code des droits et des obligations, «La force majeure est tout événement que l'homme ne peut empêcher, tel que les phénomènes naturels (inondations, sécheresses, tempêtes, incendies, sauterelles), l'invasion ennemie, l'acte du prince, et qui rend impossible l'exécution de l'obligation. La cause qui aurait pu être évitée n'est pas considérée comme un cas de force majeure si le débiteur ne justifie pas avoir exercé toute la diligence pour s'en préserver. La cause occasionnée par une faute antérieure du débiteur n'est pas non plus considérée comme un cas de force majeure.»
La jurisprudence existante sur les maladies et les épidémies va dans le sens contraire[1]. Ainsi, le bacille de la peste[2] et les épidémies de grippe H1N1 en 2009[3] n'ont pas été considérés comme des crises sanitaires constituant des cas de force majeure. Une épidémie n'est donc pas automatiquement un cas de force majeure. Il nous faut donc attendre les conséquences dramatiques de cette pandémie et de ce virus mortel pour lequel il n'existe ni vaccin ni médicament.
Cependant, à ce moment-là, une décision de confiner la population constitue un «fait du prince», en ce qu'elle restreint et interdit la réunion et les déplacements des personnes, des contribuables, des conseillers fiscaux et des experts - les comptables et les experts-comptables des contribuables dont les situations fiscales sont soumises à des vérifications fiscales.
Par conséquent, selon l'article susmentionné du Code des obligations et des contrats, un tel «fait du prince» constitue un cas de force majeure constituant un obstacle insurmontable à l'exécution des obligations d'opposition.
De plus, exiger d'un contribuable qu'il exerce son «droit» d'opposition dans des circonstances exceptionnelles constitue une violation flagrante du droit d'opposition qu'il peut exercer dans des conditions normales.
Prolongation des délais
Ni la profession comptable et fiscale ni la Direction Générale des Impôts n'ont été mentionnées parmi la liste des services et organismes de première nécessité qui ouvriront leurs portes pendant la période de confinement décrétée, le Ministère des Finances semble sollicité pour annoncer une prolongation des délais de recours et la suspension de toutes les vérifications.
Une telle décision n'a donc pas pour effet de suspendre ou d'interrompre le délai. Un tel événement suspensif arrête temporairement le cours de la période et le fait reprendre lorsque la cause de la suspension disparaît, pour le temps restant lorsqu'elle s'est produite.
Avoir et donner confiance, la réussite est en nous, tous et toutes, avec l'implication et l'effort de tous !
[1] Dalloz News - Ludovic Landivaux, Contrats et coronavirus, article publié le 20 mars 2020 [2] Paris, 25 sept. 1996, N° 1996/08159. [3] Besançon, 8 jan. 2014, N° 12/0229.